La PME dans la RSE, ou la RSE dans la PME
Le concept de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) émerge depuis le début des années 2000 et, progressivement, va se déployer dans toutes les organisations. Les grands groupes cotés ont été les premiers impactés par les lois NRE (Nouvelle régulation de l’économie, 2001-2003). Les ETI (Entreprises de taille intermédiaire) le sont à présent par l’article 225 de la loi Grenelle 2. Les PME, même si elles ne sont pas soumises à l’obligation réglementaire, en entendent parler et craignent une nouvelle contrainte…
Selon la norme internationale ISO 26000 (norme de lignes directrices et non d’exigences), la RSE favorise la prise en compte par les entreprises des impacts de leurs décisions sur les « mondes » qui les entourent ou qui en font partie. Ces « mondes » sont constitués des actionnaires, des collaborateurs, des clients et du monde extérieur (partenaires, collectivités, État et société en général).
L’entreprise est donc responsable des effets de ses activités sur ces « mondes » multiples, considérés comme des parties prenantes. Assumer cette responsabilité, c’est donc simplement atténuer les effets négatifs et optimiser ou accroître les effets positifs. Négliger certaines parties prenantes importantes peut être préjudiciable à l’entreprise. Prendre en compte l’ensemble de la valeur qu’elles créent permet un développement harmonieux et équilibré. C’est la notion de « valeur partagée » (shared value), prônée par Michael Porter.
C’est moins le concept de RSE que les pratiques de terrain que vivent les PME au quotidien. Ces pratiques concernent tous les piliers du développement durable. Sur le plan social notamment, le management de proximité contribue à un bon dialogue entre le dirigeant et ses salariés. Le bien-être de ceux-ci favorise leur adhésion aux objectifs de l’entreprise. Le comportement du dirigeant, son écoute, l’attention qu’il apporte aux conditions de travail, à la sécurité et à l’expression de ses collaborateurs, influent fortement sur leur implication et donc sur le développement de l’entreprise.
Sur le plan environnemental, même si chaque dirigeant peut avoir sa propre sensibilité à l’écologie, force est de constater que les comportements des PME industrielles ont évolué depuis quelques années. En effet, la lutte contre la pollution et la gestion des déchets, par exemple, font partie des bonnes pratiques courantes, et peuvent même, comme la gestion de l’énergie, être sources d’économies. Les grands donneurs d’ordre sont de plus en plus attentifs à ces bonnes pratiques, et certains même les intègrent dans leur calcul de coût global d’approvisionnement. Cette démarche d’« achats responsables » pourrait avoir des conséquences sur l’excessive politique de délocalisation des dernières années…
Enfin, sur le plan de la gouvernance – importante « question centrale » selon la norme ISO 26000 – la PME fait, à l’instar de Monsieur Jourdain, de la RSE sans le savoir. L’organisation de l’entreprise est « orientée client », car le management de proximité permet de transformer la vision du dirigeant en comportements concrets, perceptibles par le client : accueil personnalisé, relation plus humaine, meilleure écoute, etc. Chacun, dans une petite structure, connaît les impacts de la satisfaction des clients sur la pérennité de l’entreprise, et donc de ses emplois.
Toutes les PME seraient donc exemplaires et naturellement « responsables » ? Certes non, et tout simplement, à la décharge de leurs dirigeants, parce que le syndrome du « nez dans le guidon » ne leur laisse pas le temps de se remettre en question. Alors, l’avènement de la RSE ne serait-il pas l’opportunité de « lever le nez », pour avoir une meilleure vision à long terme, définir une nouvelle stratégie globale et, tout simplement, progresser ? Certaines PME avaient, en son temps, transformé la contrainte de certification ISO 9001 (souvent imposée par les grands donneurs d’ordre) en opportunité. Ne serait-ce pas le moment de faire de même avec ISO 26000, qui prône une certaine forme de performance globale ? L’« agilité », vertu recommandée par les mouvements entrepreneuriaux, ne consisterait-elle pas à innover, à concilier performance économique et performance sociale, environnementale et sociétale ?
Même si le concept de RSE est complexe, par le vaste champ qu’elle couvre, le bon sens des PME leur permettra d’y progresser à la bonne vitesse, et pas à pas. Et le benchmarking, préconisé par les référentiels d’excellence managériale, est une méthode efficace pour s’inspirer des bonnes pratiques de ses pairs, partenaires ou concurrents. Mieux gérer ses entretiens individuels, mettre en place un plan d’intéressement, mesurer la satisfaction de ses clients, simplifier les indicateurs de son tableau de bord, échanger avec un centre de recherche, maîtriser sa consommation énergétique, mettre en place le Lean management… les exemples de « domaines d’action » de RSE ne manquent pas, qui contribuent à une meilleure compétitivité.
Si la RSE fait des dirigeants de PME des « Messieurs Jourdain », la mettre habilement en œuvre transformera leur prose en alexandrins !…
Par Bernard BISMUTH