La RSE : Valoriser le développement local
Le Club Rodin a déjà en partie abordé ce sujet dans le livre « Réinventer l’industrie, le rôle essentiel des achats » puisque nous y adressons la relation client-fournisseur dans le contexte de la mondialisation de l’industrie électronique.
En opposition avec le discours politique d’il y a dix ou quinze ans, la notion de politique industrielle redevient un thème porteur en France et en Europe. Nous revenons au « made in France » avec des arguments que nous n’entendions pas précédemment. C’est très probablement le résultat d’un retour de balancier assez tragique qui a vu la désindustrialisation de pans entiers de l’économie, entrainant l’augmentation du chômage et peut-être aussi la désaffection des jeunes pour les métiers industriels high tech. La mise en place d’un ministère du Redressement productif est un bon point certes, mais ne remplacera pas, en tout cas, pas tout de suite, les stratégies offensives que certains pays ont mises en place pour développer leur industrie.
Nous sommes au début de réflexions sur la ré-industrialisation, sur l’importance de disposer d’un tissu national et régional plus solide. Alors que nos voisins allemands jouent le patriotisme économique sans préjugés, nous sommes encore trop souvent dans une forme assez étrange d’autodénigrement.
La RSE pourrait aider à modifier les états d’esprit. Nous avons établi dans « Réinventer l’industrie » que la logique de coût global ne désavantage pas aussi souvent qu’on l’imaginait les fournisseurs locaux. L’industrie high tech en France, en Europe, peut trouver une place, un positionnement différent de celui de l’industrie asiatique sans doute, mais une place tout de même.
Il y aurait peut-être des messages généraux à porter sur la responsabilité de l’entreprise, vis-à-vis des territoires qu’elle occupe. Pourquoi se développer sur le plan local ? Les réponses les plus facilement mesurables sont économiques, bien-sûr. Mais la valeur ajoutée qui peut se créer conjointement dans l’entreprise et dans son environnement local, régional est plus difficile à appréhender, surtout à l’heure de la mondialisation. Pourquoi acheter local si l’on peut trouver mieux, moins cher ailleurs ? A l’entreprise, agent économique rationnel, acteur détaché d’un monde sans frontière, succède grâce à la RSE, l’image d’un puzzle où l’entreprise est l’une des pièces du développement.
La RSE adresse la question de l’impact territorial de l’entreprise et interroge les organisations sur leurs choix stratégiques. Les mentalités bougent. Certaines entreprises de la grande distribution ne s’y sont pas trompées, qui valorisent de plus en plus leurs fournisseurs locaux dans la publicité.
Ce levier devient peut-être inconsciemment plus puissant qu’on ne le croit depuis le temps que le « 20h00 » montre des usines fermées, évoque les délocalisations, illustre des comportements économiques qui ont pour répercussion d’affaiblir nos territoires. A côté des drames collectifs et humains qui nous sont montrés, au moment d’une faillite ou d’une délocalisation, qui illustrent en creux l’importance de l’entreprise dans son environnement, il existe sans doute des moyens de valoriser positivement à la fois l’entreprise et son implantation.
Les motivations des choix d’implantation, sont à expliciter aussi, plus spécialement lorsqu’une entreprise française décide d’une implantation hors de France, la coexistence de centres de production en France et dans d’autres pays n’étant pas toujours bien comprise par le grand public.
Le développement local ne concerne pas seulement les entreprises mais aussi les instances régionales et nationales. Dans une logique proche de celle de la création de pôles de compétitivité, les autorités publiques ont un rôle à jouer dans ce qu’on appelait précédemment l’aménagement du territoire et qu’on adresse plutôt actuellement en termes d’attractivité.
Quel « environnement » apportent les régions aux entreprises qui souhaiteraient s’implanter ? L’environnement s’entend ici comme porteur d’infrastructures autant physiques que virtuelles, socle de compétences, … N’y aurait-il pas des politiques plus affirmées, plus structurées à envisager afin de redonner au territoire national et aux régions une meilleure place dans les territoires attractifs du monde?
Quid d’une politique de développement industriel, comme l’ont fait nombre de pays émergents ?
Par Isabelle BOISTARD