Réinventer nos PME : le rôle essentiel de la RSE
Cinq ans après son premier ouvrage, Réinventer notre industrie, le rôle essentiel des achats, le Club Rodin réitère en « réinventant » les PME.
Entre temps, le Think Tank de la FIEEC avait travaillé sur différents sujets : le « Dictionnaire amoureux de l’emploi » ; le projet de « la Fée Electricité », oeuvre de Raoul Dufy dont une lithographie décore à présent le hall d’accueil de la Fédération ; et, chaque année, le Prix de la Recherche Appliquée qui rapproche les chercheurs académiques et les PME-ETI. A partir de 2015, le thème essentiel des débats mensuels du Club a été la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Ce thème était déjà présent dans le premier ouvrage qui traitait, en fait, des « achats responsables », requête du Club Rodin à l’égard des grands groupes industriels. Se focalisant sur les PME cette fois, la nouvelle réflexion du Think Tank abordait la RSE sous une forme ludique et pédagogique. Cinq fiches furent donc publiées ; elles furent appréciées par les utilisateurs potentiels, à en croire la consommation du stock mis à disposition dans le hall…
La passion de Gérard Cappelli, membre du Club expert du sujet, aura donc été contagieuse, à tel point qu’en janvier 2016, le Club Rodin lança le projet d’un ouvrage de promotion de la RSE auprès des dirigeants de PME. Complémentaire du Guide professionnel RSE édité par la FIEEC en mi-2014, notre livre allait également confirmer l’intérêt que la Fédération portait à la Responsabilité sociétale. Grâce au financement de trois de ses syndicats, le projet pouvait se réaliser : le SNESE, le SPDEI et particulièrement ACSIEL avec sa dotation complémentaire.
Les acteurs du projet
Un président charismatique et opiniâtre (Bernard Bismuth), une douzaine de disciples au sein d’un Think Tank amical, tous bénévoles, rédacteur-concepteur compris… l’équipe était prête et bien décidée à réussir ! Mais lors des échanges passionnés dans les débats mensuels, une évidence se dessinait : le succès de l’ouvrage précédent était certes lié à l’engagement des membres du Club, mais aussi aux témoignages qui avaient enrichi l’ouvrage. Alors, unanimement, la décision fut prise : aller à la rencontre de « témoins ». Qui, mieux que des dirigeants de PME, pouvait s’adresser à d’autres dirigeants de PME ? La matière principale du livre allait donc être les citations d’une cinquantaine de personnes interviewées, essentiellement des dirigeants et managers de PME et quelques représentants institutionnels.
Deux brillantes stagiaires se sont succédées pour les contacter, faire valider les témoignages et même mener les interviews, en association avec les membres du Club. Très vite, les témoins ont tenu les premiers rôles. Chacun des entretiens nous apportait son ensemble de pierres à l’édifice, moellons bruts parfois, blocs finement taillés aussi. Après une dizaine d’interventions, un plan se dessinait ; à la fin des « livraisons », la bâtisse tenait bon, bétonnée et solide. Plus de 250 citations émaillent l’ouvrage ; elles nous ont permis, par leur diversité, leur complémentarité et leur pertinence, à la fois de consolider notre structure éditoriale et d’étayer nos propres convictions.
Une position objective et nuancée
Notre ouvrage n’est ni une communication dithyrambique sur les bienfaits de la RSE, ni bien sûr un dézingage en règle. Il permet, surtout par les témoignages, de comprendre comment les dirigeants de TPE-PME l’appréhendent. Sur les 57 intervenants, 24 pratiquent la RSE, partiellement ou intégralement :
Parmi ces 24 pratiquants, 2 entreprises sont en maturité (RSE totalement intégrée dans l’entreprise et reconnue par une évaluation externe), 10 débutent (quelques bonnes pratiques) et 12 sont en phase de progression.
Parmi les 33 autres, 20 ne la pratiquent pas directement mais y sont favorables, 9 sont neutres sur le sujet et 4 sont clairement réticents.
Les réactions que nous avons eues pendant les interviews corroborent les conclusions de plusieurs études menées sur le sujet. Tout d’abord, la RSE n’est pas toujours bien comprise et peut même être perçue comme un sujet complexe, voire nébuleux. Ensuite, étant une démarche volontaire et non réglementaire, elle n’est pas une priorité première pour les TPE-PME, focalisées sur leur activité opérationnelle. Enfin, elle n’est pas encore une figure imposée par leurs clients ou autres parties prenantes.
Toutefois la majorité des dirigeants interviewés perçoivent « un mouvement inéluctable », d’où la synthèse chiffrée qui précède. Sans significativité statistique, elle fait apparaître une certaine tendance en faveur de la RSE. Nous l’expliquerons dans le chapitre qui suit. Au demeurant, l’ouvrage consacre une partie à chaque thèse : la première met en exergue la valeur ajoutée de la RSE dans l’entreprise ; la deuxième développe au contraire la non priorité du sujet. La troisième partie du livre est la synthèse du Club Rodin. Elle est claire et nette : « Lancez-vous en RSE ! »
Le contexte particulier de la filière électronique
Le texte du livre est enrichi par de nombreuses citations et compléments didactiques et thématiques, sous forme d’encadrés facilitant la lecture. Parmi ceux-ci, un thème particulier a suscité quelques débats : l’évolution de la filière électronique. Certes, la plupart des membres du Club, ayant à leur actif plusieurs décennies de vécu dans cette filière, n’étaient peut-être pas tout à fait objectifs. Mais force est de constater que le secteur électronique s’est plutôt bien remis de sa crise des années 2000, marquées notamment par la mode du fabless… En 2008, l’industrie du futur était déjà citée dans le rapport qui avait été remis par la FIEEC à Hervé Novelli, alors secrétaire d’Etat aux entreprises.
Si le Club Rodin est convaincu que son appel aux PME en faveur de la RSE sera entendu, c’est que la filière électronique y est, par nature, réceptive. Tout d’abord, les PME qui ont réchappé à la crise précitée ont ainsi prouvé leur capacité de survie. Pour la plupart des dirigeants interviewés, les notions de vision à long terme, valeurs et orientations stratégiques font sens. Ensuite, alors que la mode est au dénigrement normatif, plus d’un tiers des dirigeants nous ont cité leurs démarches ISO (9001, 14001, 50001…). Rappelons qu’en France 2 % seulement des entreprises avec salariés sont certifiées ISO 9001, mais ce taux est largement supérieur dans l’industrie. Enfin, toutes les composantes de la RSE – sociales, environnementales et économiques – interpellent les dirigeants attentifs à ces aspects et à une évolution sociétale qui s’accélère.
Une filière se distingue aussi par ses têtes de file, grands groupes internationaux leaders dans leurs domaines : aéronautique, automobile, numérique. Le « chasser en meute » cher à Pierre Gattaz implique une meilleure coconstruction entre les géants de ces secteurs et leurs sous-traitants, ETI et PME. (Cette nécessaire synergie avait été largement abordée dans le précédent ouvrage du Club Rodin.) Plus globalement, dans le contexte de la RSE, ces groupes multinationaux sont soumis depuis plusieurs années au reporting réglementaire (loi Grenelle 2) et aux obligations de transparence extra-financière qu’imposent les places boursières. Progressivement, les critères sociaux, environnementaux et sociétaux s’incrustent dans les spécifications des donneurs d’ordre. Plusieurs de nos témoins interviewés ont évoqué cette tendance et ont confirmé qu’elle allait s’accentuer.
En conclusion
Que rajouter à l’exhortation du Club Rodin en quatrième de couverture ? Puisqu’en PME, la RSE crée de la valeur, le Club s’adresse aux entrepreneurs : « Dirigeant(e)s de PME/TPE, si vous voulez mobiliser et fédérer vos équipes, co-construire durablement avec vos parties prenantes et donc, en un mot, réussir… lancez-vous en RSE ! » Le rôle d’un think tank est d’être visionnaire. Certains dirigeants de PME/TPE le sont, notamment en ayant anticipé le développement de la RSE dans les années à venir. En effet, le positionnement de l’entreprise dans son environnement global et les attentes de la société à l’égard de l’entreprise vont, parallèlement, évoluer. Une démarche RSE s’inscrit précisément dans ce contexte.
Et que dire alors à la grande majorité des patrons de PME/TPE qui n’ont pas encore franchi le pas ? Pour la plupart, comme le confirme notre ouvrage, la RSE n’est pas une priorité. L’important, c’est d’assurer l’activité de l’entreprise, sa rentabilité, sa pérennité et donc la sauvegarde de l’emploi. Rien qu’en écrivant cela, on rentre dans le cadre de la RSE. CQFD. De là à comparer le dirigeant de PME/TPE à Monsieur Jourdain, il n’y a qu’un pas que le Club Rodin n’a pas voulu franchir, car le personnage de Molière n’est pas l’archétype de la clairvoyance. Le bon sens de l’entrepreneur, c’est de faire les choses parce qu’elles sont utiles et en sachant ce qu’il fait. Il doit donc se poser trois questions :
Est-ce que la RSE élargit la vision de mon projet à long terme tout en répondant à mes propres valeurs et à celles de mes associés ?
Est-ce qu’elle consolide mes orientations stratégiques, notamment du point de vue de mes clients ?
Est-ce que ses bonnes pratiques sociales, environnementales et sociétales vont être appréciées par les parties prenantes de mon entreprise, et particulièrement par mes salariés et mes partenaires territoriaux ?
S’il répond oui à l’une de ces questions, il saura lui-même quelle décision prendre.
En attendant, ce (ou cette) dirigeant(e) de PME/TPE est cordialement invité(e)… à lire notre ouvrage et à s’inspirer des 250 citations de ses confrères.